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Byju’s licencie des centaines de salariés et veut s’offrir 2U pour plus d’un milliard

Byju's

Il y a quelques semaines, la licorne EdTech indienne Byju’s (et startup la mieux valorisée tous secteurs confondus en Inde) annonçait un possible rachat de l’un des deux géants américains 2U et Chegg. L’ambition se concrétise, puisque Byju’s vient d’annoncer une offre de rachat de 2U pour plus d’un milliard de dollars (15 dollars par action, soit 61% au-dessus du cours à la clôture le 28 juin).

Dans le même temps, Byju’s subit de plein fouet les menaces du marché dans le contexte de crise actuel, et le groupe annonce se séparer de plusieurs centaines de salariés ; tout en repoussant son paiement cash d’un milliard de dollars dû aux actionnaires d’AESL – la firme indienne rachetée l’année dernière par le groupe.

Pour rappel, le groupe Byju’s propose aux élèves du segment K12 des services d’apprentissage en ligne : du tutorat au cours de code, en passant par les cours de langues vivantes. Le groupe a depuis sa création levé plus de 5 milliards de dollars et dépensé l’année dernière plus de 2,3 milliards de dollars en acquisitions.

Byju’s : colosse aux pieds d’argile ?

L’année dernière déjà, la BBC publiait un papier sur des abus perpétrés par la ‘décacorne’ indienne, valorisée depuis sa dernière levée de fonds à plus de 22 milliards de dollars. Des abus prenant la forme de pratiques marketing abusives, qui ne sont pas sans rappeler la situation en Chine à l’été 2021 : cold calling incessant, pression sur les épaules des parents d’élèves afin de susciter des inscriptions, etc.

À cette situation s’ajoutent des résultats financiers qui questionnent : malgré un enchaînement de tours de tables qui défient la raison (800 millions de dollars pour le dernier en date), la firme enregistre ‘seulement’ 7 millions d’utilisateurs payants, pour 115 millions d’utilisateurs en tout (source : Bloomberg).

Après une entrée en Bourse annulée fin 2021, le cabinet Deloitte n’aurait pas encore certifié les comptes de Byju’s pour une entrée en Bourse via un SPAC prévue en 2022, pour cause de pratiques comptables floues (notamment un gonflement du chiffre d’affaires par la vente de matériel). Une situation troublante qui pourrait déteindre sur les actionnaires de la firme… et notamment le belge Sofina :

“Quand Sofina investit dans l’entreprise Byju’s, elle achète de la croissance, ce qui est souvent le cas dans le private equity. Les problèmes sont apparus quand l’entrée en Bourse [de Byju’s, ndlr] prévue à la fin de l’année dernière a été annulée à cause de mauvaises conditions de marché. “

“Le marché a aussi compris que le chiffres d’affaires de la société [Byju’s] était davantage gonflé par la vente de matériel (qui ne génère pas de la profitabilité) plutôt que par l’activité de cours par internet.”

Extrait de La Libre Belgique, Le silence de Sofina sur la valorisation de Byju’s “donne un élément de
suspicion”

La firme en difficulté face aux menaces de la crise

Byju’s a dépensé l’année dernière plus de 2,3 milliards de dollars en acquisitions (Epic!, AESL, Great Learning, etc.) dans un contexte de stratégie de croissance externe agressive (et de ‘hype‘ EdTech catalysée par la crise sanitaire).

Or, la diminution générale de la pandémie de Covid-19 a eu pour effet direct une réouverture progressive des écoles et des établissements d’enseignement dans le monde, l’Inde ne faisant pas exception. Ce retour à l’école réduit la demande de services éducatifs en ligne en B2C (business to consumer). Par conséquent, certaines acquisitions ne tiennent pas leurs objectifs de croissance, alors même qu’elles ont pratiqué des recrutements massifs ces derniers mois…

L’équation est alors assez claire. Face à une nécessité de réduction drastique des coûts (et une nécessité de paiement des actionnaires des startups acquises l’année dernière), le groupe Byju’s annonce le licenciement de plusieurs centaines de salariés. Si le chiffre exact n’est pas encore connu, les filiales WhiteHat Jr et Toppr sont particulièrement touchées. 300 salariés de WhiteHat Jr avaient déjà été licenciés récemment, peu après la démission soudaine et massive de 1000 d’entre eux.

Les licenciements de masse pratiqués par Byju’s ne constituent pas un cas isolé et reflètent une dynamique plus globale dans la Tech et le contexte de crise. Plus tôt dans l’année, OnDeck annonçait se séparer de 25% de ses effectifs. En Inde, les licornes Vedantu ou Unacademy ont également dû se séparer d’une partie de leur force de travail (10% pour Unacademy).

Possible rachat de 2U : symbole d’une tentative d’évasion du marché indien ?

La situation peut sembler ubuesque. Dans ce coup de tonnerre et cet enchaînement de licenciements massifs, et alors que le groupe a demandé un délai de paiement pour le milliard de dollars dus aux actionnaires d’AESL à août 2022, Byju’s fait une offre de rachat du géant américain 2U pour plus d’un milliard de dollars. Soit une offre à 15 dollars par action, 61% au dessus du prix de l’action à la clôture le 28 juin. Une annonce symbolique d’une volonté d’évasion d’un marché indien qui ne tiendrait plus ses promesses ?

Si le coût du capital affiche une croissance remarquable ces derniers mois, à l’inverse les cours des EdTechs cotées en Bourse ont pour la plupart subi de très fortes corrections. À l’image de 2U qui depuis juillet 2021 a vu l’action passer de 46 dollars… à 7,4 dollars au plus bas mi-juin 2022, soit une chute de plus de 80% :

Extrait Yahoo Finance

Derrière cette offre de rachat, on souligne depuis déjà plusieurs mois une volonté de Byju’s d’atteindre de nouveaux marchés, en particulier l’Europe, les Etats-Unis, et même le Moyen-Orient. Que cela se concrétise par le rachat de GeoGebra l’année dernière, par celui d’Epic! ou du potentiel rachat de 2U (sous réserve d’acceptation), ou par l’investissement de QIA (Qatar Investment Authority) au capital de Byju’s… désormais sponsor officiel de la Coupe du Monde de foot 2022 au Qatar.

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