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Les évolutions récentes du marché du soutien scolaire en France

En confinant chez elle une part considérable de la population mondiale, la pandémie de la Covid-19 a indubitablement affecté le monde du soutien scolaire et des cours particuliers : les sociétés de soutien scolaire connaissaient une baisse de leur activité de l’ordre de 11,5 % en 2020. En effet, les sessions physiques d’apprentissage ont dû être annulées, et la pédagogie de facto repensée. Si les plateformes de soutien scolaire en ligne existent depuis plusieurs années déjà, celles-ci ont été propulsées sur le devant de la scène ces deux dernières années.

État des lieux du marché

Le marché du soutien scolaire en France représenterait plus de deux milliards d’euros, et concernerait plus d’un million d’élèves. Les cours les plus plébiscités ont trait aux matières générales — les mathématiques ou les langues vivantes —, le plus souvent dans l’optique du baccalauréat. La préparation aux concours d’instituts d’études politiques ou de grandes écoles justifie, elle aussi, l’appel aux cours particuliers. Au-delà de la maximisation de la réussite de leurs enfants, les ménages ont une incitation supplémentaire à recourir au soutien scolaire : l’État français le subventionne, par le biais d’un crédit d’impôt à hauteur de 50 % du montant des salaires et charges sociales versés au tuteur pour des prestations réalisées à domiciles.

Si la vision traditionnelle du professeur se rendant au domicile de son élève pour un cours particulier est toujours d’actualité, une kyrielle de plateformes en ligne la remplace parfois en proposant un accès à des séances de révision sur Internet que l’élève peut suivre à sa guise. Certaines s’avèrent plutôt ‘disruptives’ car soutenues par des moyens financiers colossaux : GoStudent, licorne autrichienne et poids lourd EdTech valorisé à plus de 3 milliards d’euros, acquérait cette année plusieurs plateformes du même secteur (Schoolfox, Seneca Learning, Tus Media) pour confirmer son statut de leader européen malgré une rentabilité pas toujours assurée en France.

Un bouleversement du marché par l’essor du digital

Au-delà d’être assez naturelle au vu des nouvelles technologies, la digitalisation du monde du soutien scolaire était nécessaire et a fortiori au milieu de la pandémie. Le confort et l’aspect pratique du digital pour la majorité des élèves est indéniable : les apprenants ont alors la possibilité de suivre des cours complémentaires chez eux après l’école, à leur rythme. Lorsqu’Acadomia, plateforme en ligne de soutien scolaire avant tout à domicile qui capterait selon son PDG la moitié du marché français, procéda à une digitalisation massive de ses services lors du premier confinement, ce sont 85 % de ses élèves traditionnels qui l’ont rejoint. Pour les enseignants aussi, l’avantage est réel : un gain de temps par la suppression de trajets superflus, et donc potentiellement des créneaux additionnels à consacrer aux élèves.

Le modèle de l’abonnement à bas coût : le soutien scolaire de masse

Un modèle très souvent répliqué

Avec la digitalisation du soutien scolaire, une nouvelle forme d’apprentissage s’est peu à peu démocratisée sur Internet : la révision en ligne, autonome et propulsée par de ‘l’intelligence artificielle‘ (qui relève bien souvent davantage de l’analyse statistique : courbe de l’oubli, etc.), de fiches de cours en ligne. Des quizz viennent ponctuer chaque leçon afin de vérifier que l’élève ait bien acquis les concepts que celle-ci transmettait. Un grand nombre de plateformes propose ce type d’offre à des tarifs bas, qu’il s’agisse de Kartable (pour 7.99€ par mois) ou Schoolmouv (14.99€ par mois) : l’accès pour chaque élève est identique et il n’induit aucun coût marginal (si ce n’est les frais liés à une utilisation plus forte des serveurs), et le modèle permet donc le soutien scolaire de masse.

De plus, cette approche est partagée par un grand nombre d’acteurs sur le marché et la concurrence est rude — ce qui contribue à expliquer cette tendance baissière des tarifs pratiqués —, qu’elle soit entre plateformes similaires, avec les sites de services à la personne (à l’image de l’un des leaders dans le secteur, O2) ou encore avec les sites d’intermédiation.

Un enseignement parfois inadapté pour l’étudiant

Ce modèle laisse cependant transparaître quelques faiblesses : l’élève est en totale autonomie sans la moindre interaction humaine, et sa motivation à compléter les leçons peut décroître — a fortiori lorsque l’on sait que 64 % des enfants en France n’ont personne à la maison pour les aider à faire leurs devoirs. Certes, les plateformes proposent des formules qui donneront accès à des chats de discussion et des visioconférences en cas de difficulté, mais celles-ci restent plus coûteuses (29.99€ par mois pour Kartable). La problématique sous-jacente majeure reste finalement la baisse en efficacité de l’enseignement lorsqu’il se tient en ligne, démontrée en 2016 notamment par une professeure américaine.

À l’instar de l’engouement autour des MOOC désormais bien passés de mode (Massive Open Online Courses) — dont l’efficience pédagogique a déjà été remise en cause — qui eux aussi peuvent être déployés en masse, l’attrait des plateformes d’apprentissage autonome et à abonnement abordable pourrait rapidement s’estomper.

Les modèles B2C, une absence de récurrence boudée par les investisseurs ?

De manière générale, les EdTechs sur le marché du soutien scolaire et de type B2C (Business To Consumer) sont peu ‘scalables’ (sauf exception) : chaque utilisateur consomme le même accès à bas coût, et tout l’enjeu de la croissance pour ces entreprises réside dans l’attrait perpétuel de clients et le renouvellement des abonnements. Or, ces modèles n’offrent pas de revenus récurrents (exemple contraire : un produit SaaS vendu à une entreprise offre un revenu récurrent) : les coûts de changement de solution pour l’apprenant sont inexistants. Un abonnement peu être stoppé à tout moment par une famille. Sans parler des modèles proposant un paiement par cours, et non un abonnement. Difficile de capter les 1000 à 1500 euros de budget annuel moyen par famille en France dédiés au soutien scolaire.

Difficile également de convaincre de la pérennité de tels modèles pour des investisseurs qui face à un ralentissement global du marché recherchent à financer des modèles économiques efficients et ‘scalables’. En ce sens, les fonds d’investissement en France ont très peu tendance à se pencher sur les EdTechs liées au K-12 (expression désignant l’appellation from kindergarten to 12th grade). S’ajoute à ce contexte global la difficulté de nouer des contrats directement avec les écoles publiques dans le pays.

Le pivot vers le tutorat en cohortes, de nouveau plébiscité ?

Finalement, un retour vers le tutorat, souvent partagé, semble prévaloir : en délaissant les plateformes d’apprentissage fournissant un simple accès non-guidé au contenu, l’élève y retrouverait un apprentissage plus humain, plus “actif” et plus efficace. De nombreux acteurs sur le marché du soutien scolaire s’orientent vers un format de cours à distance, par visioconférence et en petits groupes : Acadomia, Meet in Class, Complétude, et bien d’autres.

Si l’apprentissage groupé et collaboratif (le collaborative learning ou cohort-based learning) donne lieu à un enseignement qui se veut plus efficace, peut-il pour autant remplacer les petits groupes en physique ? Plusieurs étudiants interrogés par des chercheurs néerlandais en 2017 affirmaient ainsi :

“We met each other physically, instead of doing everything by mail or chat, like in other projects. This works much better, if you can look each other in the eyes it is way faster and more efficient to manage and decide things”.

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