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Lamia Rouai (Lynx Educate) : de la direction d’écoles à la création d’une plateforme de formation

lynx educate
Ambroise Boisonnet

Pour ce quatrième épisode du podcast l’Education au Futur, rencontre avec Lamia Rouai, co-fondatrice de Lynx Educate : la plateforme de corporate learning inspirée de la licorne américaine Guild Education.

Ancienne Directrice de Grande Ecoles d’ingénieurs (ECE) et de commerce (EBS), Lamia nous invite à découvrir Lynx Educate. L’ambition est claire : créer le nouveau Guild européen, la plateforme d’education as a benefit valorisée 4 milliards de dollars qui cartonne sur le marché américain.

Disclaimer : les propos rapportés dans l’interview qui suit ont été synthétisés depuis le podcast original disponible ci-dessus. Cet article est une reconstitution synthétique de l’entretien original.

Lamia Rouai : de la direction de Grandes Ecoles à la startup

Bonjour Lamia, tu es co-fondatrice de Lynx Educate, une startup EdTech qui compte révolutionner la formation professionnelle. Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours?

J’ai passé mon bac en Algérie puis je suis arrivée en France pour effectuer une licence, une maîtrise en physique puis un doctorat en nano-sciences. J’ai longtemps été professeure de physique comme enseignant-chercheur auprès de l‘ECE Paris, école nouvellement créée à l’époque. L’école s’appelait alors Ecole Centrale d’Electronique. En 2013, je deviens co-directrice de l’école qui connaît alors de nombreux rachats notamment celui par un entreprise américaine, Laureate Education. En 2017, je découvre le monde des écoles de management en reprenant la direction de l’European Business School à Paris.

Pourquoi avoir bifurqué vers le monde des écoles de management au regard de ta formation en nano-sciences?

Je souhaitais découvrir quelque chose de nouveau. J’ai beaucoup apprécié l’expérience en école de management car ce sont des écoles très internationalisées avec différentes accréditations à valider. Le corps professoral et les élèves ont des profils assez différents. J’ai trouvé cette transition extrêmement formatrice.

Qu’est-ce qui différencie les deux types d’étudiants : école de commerce et d’ingénieurs ?

Il y a un comportement assez différent dans les deux cas lorsque l’on passe par une classe préparatoire classique ou une école à prépa intégrée d’une part. L’état d’esprit et la manière de fonctionner ne sont pas les mêmes. Par ailleurs, les ingénieurs ont une pensée structurée par les sciences. A l’inverse, les étudiants en école de commerce doivent souvent être ramenés sur les fondamentaux pour solidifier le fond de leur pensée. En arrivant à l’EBS, j’ai donc souhaité rajouter beaucoup de mathématiques dans le cursus. Néanmoins, les élèves en management prennent peut-être parfois plus de risques. J’ai souvent vu de très belles carrières et rencontré des profils d’entrepreneurs très motivés. Enfin généralement, le réseau alumni est plus investi dans les écoles de management que dans les écoles d’ingénieurs.

La naissance de Lynx Educate dans la formation online

Pourquoi avoir désormais choisi de s’engager dans l’entrepreneuriat ?

En mai 2021 après avoir quitté l’EBS, j’avais envie de renouveau qui se différenciait de mon parcours initial. Je rentrais dans des processus de recrutement mais j’avais en tête de changer de secteur. En 2017, j’ai rencontrée Sylvie Milverton qui était CFO dans le groupe Laureate puis dans le Groupe INSEEC où je travaillais. Elle m’avait proposé son idée de reproduire le modèle d’une entreprise américaine, Guild Education. La modèle avait montré une croissance impressionnante : l’entreprise était évaluée à 4 milliards après 7 ans. Sylvie et moi, nous avions toujours formé nos étudiants au maximum. Cependant, nous donnions parfois naissance à des futurs salariés Bac +3 qui se censuraient en termes d’accès à la formation. Nous avions conscience de la nécessité d’upskilling de nos élèves. Nous ne voulions pas qu’ils se confinent à leur parcours Bac +2 ou Bac+3.

Lynx Educate sert donc à démocratiser la formation ?

Aujourd’hui en France, les diplômés sont de plus en plus diplômés tandis que certains élèves qui le sont moins s’autocensurent. Donner à chaque personne la liberté de choisir son propre parcours est génial mais il faut qu’elles soient informées. Certains chiffres sont effrayants : 94% d’Européens vont voir 20% de leur taches automatisées dans les dix prochaines années. Cela implique que 21 millions de personnes, parmi elles les moins diplômées, auront à se réorienter. Nous avons créé une plateforme qui souhaite intégrer des formations online au sein des parcours professionnels. Aux Etats-Unis, on désigne cela par les termes upskilling, reskilling ou outskilling. En France, il n’y a pas de terme précis pour décrire ce genre d’expérience professionnelle.

Le fonctionnement de Lynx Educate

Que fais-tu au sein de Lynx Educate ?

J’y occupe le poste de Chief Academic Officer donc je sélectionne les formations. Pour notre plateforme, nous choisissons des formations pas trop longues, spécialisées, online et de qualité. Elles sont faites pour des first-time managers de tous âges. Souvent, ces salariés estiment faussement qu’ils n’ont plus l’âge ou les compétences pour être formés par Neoma BS ou la LSE par exemple. Nous sommes en contact avec les recruteurs des formations et nous leur proposons des profils que nous avons pris soin d’analyser. Par la suite, nous accompagnons les personnes au cours de leur formation afin qu’elle s’achève dans les meilleures conditions. Car on peut le rappeler, il n’y a malheureusement que 20% des formations initiées en ligne qui sont terminées.

En clair, Lynx Educate c’est une plateforme de “B2B2B2C” ? La plateforme permet aux centres de formations qualitatifs d’aller dans les entreprises. Face à quoi, le manager peut se montrer intéressé par une formation spécialisée pour ses salariés. Et enfin, le salarié se voit financer une formation par l’entreprise.

Oui, exactement. Les DRH des entreprises s’interrogent souvent sur le rapport qualité/prix de la formation mais lorsqu’ils constatent le retour sur investissement de ces formations, ils décident généralement de les financer. On attire les talents en montrant que nos premiers clients ont réussi grâce à des formations attirantes qui les ont ouverts sur le management, sur l’international etc.

Ce modèle international est un peu celui qui a été choisi par Guil Education qui suit les salariés des grandes entreprises comme Chipotle, Wallmart, Disney dans leur upskilling. Dans ces entreprises où le turnover est très élevé, des salariés se sont vus promettre un bac+3 pendant la durée du contrat.

Oui, Guild Education a eu énormément d’impact sur la formation des jeunes car un coaching sur-mesure et des partenariats à forte valeur ajoutée étaient proposés. L’offre de Guild Education a aussi plu à ces entreprises afin qu’elles renouvellent leur image de marque. Loin de l’image d’un groupe qui exploite les salariés en situation parfois précaire, ces groupes gagnaient en crédibilité.

Nous souhaitons faire la même chose que la plateforme Guild Education. Nous ne voulons pas effectuer des partenariats coquilles mais réellement effectuer des alliances de qualité. Pour cela, je regarde tous les contenus des cours avec les universités et écoles partenaires. En France, nous avons du contenu extraordinaire mais il manque énormément de delivery online. Je suis assez exigeante sur la qualité du cours online. Un bon cours online n’est pas qu’un cours en Zoom et une lecture de PDF : il doit être précisé, scénarisé etc.

L’offre de formations online sur la plateforme

Quel est ton périmètre en tant que Chief Academic Officer ? Est-ce que tu vas retoucher le contenu qui t’es fourni par les partenaires pour optimiser sa delivery ?

Non, l’idée est de contacter en amont le partenaire en lui indiquant le format que l’on souhaite précisément. Par exemple, les certificats de 150 heures sur 8 mois nous intéressent peu. Une telle durée effraie des jeunes salariés qui souhaitent s’intégrer au mieux sur le marché du travail. On essaie de proposer des formations de 8 à 12 semaines cumulables. On arrive à un certain diplôme après avoir passé les différents certificats. Cela permet à des bac+2 ou bac+3 d’effectuer une montée en compétences sur une période plus courte.

Un enquête que nous avons réalisée en France et au Royaume-Uni a montré que les jeunes salariés souhaitent de plus en plus avoir de bonnes accréditations à afficher sur LinkedIn. L’étude a montré qu’en France les élèves préfèrent des diplômes en présentiel. Il y a une très forte culture du présentiel en France que j’avais constatée lors de la direction d’écoles. Des parents d’élèves insistaient pour rajouter toujours plus d’heures en classe avec le professeur. A l’inverse, les anglais préfèrent les petits certificats online, formats auxquels ils se familiarisent très vite lors de leurs études.

Notre hypothèse de départ pour Lynx Educate est donc d’implanter l’enseignement online au cœur de la formation d’upskilling en France. On tente des modèles avec deux cours synchrones dans la semaine et le reste en online (MOOCs et groupes Slack pour rester en contact). Nous cherchons vraiment le modèle parfait pour des salariés qui peuvent ne jamais avoir pensé à suivre des formations. L’enquête menée avait montré que le tiers des salariés sondés n’avait jamais pensé à suivre une formation. La plupart était même cinquantenaire avec de longues carrières.

Quelle stratégie aujourd’hui pour Lynx Educate ?

On voit une très grande difficulté à s’informer de la part des salariés. Tout d’abord, on l’a mentionné, ils n’osent pas aller à la rencontre de plateformes d’upskilling qui ne pénètrent pas assez dans les entreprises. C’est aussi un enjeu technologique car il faut recréer l’enseignement pour permettre une expérience apprenante. Il faut réussir à transcender le fond pour créer une communauté de travail forte qui empêchera le décrochage.

Il y a aussi une difficulté d’accès à la formation de qualité. Et même lorsqu’un salarié cherche une formation, celle qui apparaitra est la mieux référencée et pas forcément la plus qualitative…

Où vois-tu, ou comment vois-tu Lynx Educate dans 10 ans?

Comme Guild Education ! Plus sérieusement, l’objectif est d’avoir un impact et de faire bouger les lignes dans le domaine fascinant des EdTechs. J’espère continuer à travailler avec des gens intéressés par la qualité du contenu qu’ils proposent, animés d’une volonté de fournir une vraie aide académique. Nous avons deux fonds principaux au capital, Rethink Education et Emerge Education, ainsi que certains business angels dont le top management de Guild Education.

Aujourd’hui, tu recherches des partenaires ? Des écoles ?

Je pense que les écoles aujourd’hui sont assez frileuses et attendent un peu de voir ce que cela va donner avant d’être partenaires avec Lynx Educate. Je pense que les professeurs ont peur de lâcher le pouvoir qu’ils ont sur l’éducation. Mais je demeure très optimiste.

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