EdTech Capital est un média du groupe 2Empower.
Derniers Tweets
Qui sommes-nous ?
Analyste en fonds d'impact ​​📈​ - Master in Management | ESCP ​🎓​
Étudiante du Programme Grande École d'HEC Paris
Co-fondateur du groupe 2Empower (Major-Prépa, Business Cool, Up2School,…
Pierre Faury est étudiant à HEC Paris (Programme Grande École). Il a…
Étudiante à HEC Paris

Meten EdTech X : d’un SPAC prometteur à la catastrophe boursière

Le premier SPAC dans le monde de l’EdTech connaît une véritable catastrophe boursière. Retour en détails sur les causes d’un échec cuisant.

En décembre dernier, Edtech X Holdings, le premier SPAC (Special Purpose Acquisition Company) coté au monde dans le domaine des Edtech annonçait un accord exceptionnel avec la société Meten, et plus particulièrement avec sa plateforme numérique Likeshuo. Cotée à 10 dollars il y a un an, l’action Meten EdTech X est aujourd’hui tombée en dessous d’un dollar. A l’heure où les marchés financiers sont en ébullition, retour sur une dégringolade surprenante.

SPAC & EdTech, un duo avec du potentiel

Depuis le début de l’année dernière, les SPACs ont enflammé la Bourse. Ils ont en effet dopé les introductions en bourse américaines qui ont permis de lever près de 140 milliards de dollars entre janvier et mars. Les SPACs représentaient en valeur 69% de ces levées de fonds, et 79% en volume. Quelques-unes ont tout particulièrement émergé, comme Lucid Motors, présentée comme la future rivale de Tesla.

Un SPAC est une sorte de coquille vide, une entreprise sans activité opérationnelle. Celle-ci commence par récolter une somme d’argent avec l’intention d’acheter une entreprise en activité. Après avoir réalisé cette acquisition, elle fusionne avec la société cible et entre ainsi en Bourse. Si elle ne parvient pas à trouver une cible d’achat en deux ans, la société est à l’inverse liquidée. 

Malgré leur dynamisme, les SPACs ont pris leur temps avant d’investir le monde des EdTech. Et ce jusqu’à l’acquisition par le SPAC Edtech X Holdings du groupe Meten Education. La fusion avait tout pour réussir étant donné la vitalité du monde des Edtech, encore renforcée par la récente crise sanitaire. Pourtant, les investisseurs ont vite déchanté. 

Meten, le géant de l’ELT face aux dures lois de la Bourse

Meten est l’une des principales entreprises chinoises spécialisées dans l’ELT, l’English Language Training. Le groupe propose des formations en anglais aux étudiants et aux professionnels chinois. Grâce à sa plateforme numérique sophistiquée et son vaste réseau national de centres d’apprentissage, Meten propose ses services sous trois marques leaders du secteur : Meten, ABC et Likeshuo. L’entreprise prétend notamment s’appuyer sur une technologie de pointe qui mêle IA et blockchain pour optimiser son offre.

L’équipe dirigeante du groupe fait également partie de ses principaux atouts. Parmi les fondateurs du SPAC, on retrouve notamment Benjamin Vedrenne-Cloquet et Charles McIntyre. Le premier, alumni de l’ESCP, travaille depuis plus de vingt ans dans l’univers de l’éducation. Avec Charles McIntyre, il est également Partner chez IBIS Capital, une banque d’affaires spécialisée dans l’EdTech. Cette équipe de gestion européenne a notamment pu rassurer les investisseurs du groupe, dont le célèbre gestionnaire d’actifs français Amundi.

Malgré tout l’espoir légitimement placé en Meten, force est de constater l’échec cuisant de l’opération. En un an, l’action Meten EdtechX Education Groupe s’est effondrée. Elle est passée de 10,9$ à 0,97$, soit une chute annuelle de 91%. La baisse est tout particulièrement cruelle sur le dernier mois, avec une décote de plus de 40%. Des chiffres qui contredisent largement l’apparente santé financière du groupe, qui annonçait une croissance annuelle de 14% au premier trimestre. Une croissance tirée par le rebond post-Covid et qui, à n’en pas douter, n’a donc rien de rentable.

Meten évolution bourse

Les raisons d’un tel échec

A l’heure où la Bourse flambe et où les entreprises de la EdTech atteignent des sommets, ce fiasco cuisant peut surprendre. Il s’explique en partie par des données macro-économiques peu porteuses et par la stratégie inadaptée du groupe Meten.

Une réalité financière contrastée

Les états financiers du groupe Meten révèlent, malgré la forte croissance du chiffre d’affaires, une situation plutôt inquiétante. Sur le premier trimestre 2021, le groupe Meten Edtech X annonçait une perte nette de huit millions de dollars. Or cette perte intervient alors que le groupe a vendu huit de ces centres d’apprentissage ce trimestre, générant un revenu exceptionnel particulièrement élevé.

Plus surprenant encore, le groupe annonçait que les revenus générés par son offre en ligne avaient décru de 7,5% depuis l’année dernière, alors même que la pandémie de Covid-19 a constitué un contexte particulièrement porteur pour l’éducation digitale. A l’inverse, la formule générale d’ELT progressait de 20% sur la même période. Ces résultats marquent donc l’échec de la stratégie d’investissement et de communication actuelle, qui se veut centrée sur le digital.

Plus globalement, par rapport au trimestre précédent, Meten perd de l’argent, mais moins qu’auparavant. De manière assez claire, cela ne suffit pas à rassurer le marché.

Une offre en présentiel peu adaptée

A l’heure où les formations digitales fleurissent, il faut également constater que Meten donne encore une part immense au offline. Il y a tout juste un an, pourtant, le groupe affirmait vouloir consolider son offre numérique pour continuer à alimenter sa croissance. Or aujourd’hui, c’est précisément dans le monde du “online” que le groupe ne parvient plus à gagner des parts de marché.

Alors que le groupe prétend se trouver à la pointe de la technologie sur les questions de blockchain, il laisse donc une place encore prépondérante aux formes d’enseignement plus traditionnelles. C’est notamment ce décalage entre ce que le groupe prétend être et ce qu’il est vraiment qui alarme le marché.

Les difficultés des EdTech chinoises cotées aux Etats-Unis

Au-delà de ses spécificités, Meten souffre avant tout d’être une EdTech chinoise cotée aux Etats-Unis. Ces derniers mois, des nombreuses entreprises similaires ont connu des difficultés comparables en bourse. La valeur de l’action 17 Education a par exemple été divisée par cinq en l’espace de quatre mois. Idem pour l’action New Oriental Education, divisée par deux en à peine trois mois.

L’effondrement boursier des EdTech chinoises s’explique essentiellement comme la conséquence du récent scandale GSX Techedu. Il y a à peine deux ans, ce géant de l’EdTech avait le profil de l’entreprise idéale. Capitalisée à plus de 15 milliards de dollars, l’entreprise chinoise réalisait jusqu’à 2,1 milliards de chiffre d’affaires en 2019 avec 226,6M$ de résultat net !

Mais ces chiffres alléchants cachaient une réalité bien morne. Comme l’a révélé la firme Citron Research, connue pour ses enquêtes sur les entreprises soupçonnées de fraude, GSX Techedu trafiquait ses comptes pour faire gonfler son chiffre d’affaires. 80% des étudiants que revendiquaient la plateforme étaient de faux profils, des robots payés par l’entreprise. Il s’agit là d’un des plus graves cas de fraudes d’une entreprise chinoise cotée aux Etats-Unis depuis l’affaire Luckin Coffee, le Starbucks local.

Si un phénomène de short squeeze a temporairement fait décoller le cours de GSX tout comme dans le récent dossier Gamestop, l’embellie a été de courte durée. Lorsque les “short-sellers” ont dû boucler leurs positions, GSX s’est effondrée. En mars, Bill Hwang, l’un des principaux actionnaires externes de GSX, a notamment vu son fonds spéculatif Archegos Capital s’effondrer lorsqu’il n’a pas pu répondre à ses appels de marge. Hwang a alors été contraint de vendre une grande partie de sa participation dans GSX. Le 26 mars, les actions de GSX ont chuté de 58 %.

Les mauvais résultats de l’année 2020 ont par ailleurs accentué la tendance. Au total, la valeur de l’action GSX a été divisée par plus de dix depuis janvier. Or les valorisations d’entreprise se font pour la plupart sur la base de multiples. En d’autres termes, pour estimer la valeur d’un groupe comme Meten, les investisseurs cherchent d’abord à le comparer à des entreprises similaires. Or GSX Techedu faisant partie des principales EdTech cotée aux Etats-Unis, la valeur estimée de ses compères chinoises s’est vue largement dégradée.

Pour des causes à la fois internes et externes, Meten EdTech X a donc subi la dure loi du marché. Cela n’a pour autant pas empêché Benjamin Vedrenne-Cloquet, et Charles McIntyre de récemment lancer un second SPAC. EdTech X Holdings Acquisitions Corp II a même réussi à lever 70 millions de dollars pour réaliser de nouvelles acquisitions. Le cas Meten est donc emblématique de marchés boursiers qui, face à une accumulation de facteurs, réagissent à l’extrême.

À ce titre, malgré le contexte peu porteur, la valorisation actuelle du groupe Meten peut même sembler bien basse étant donné le potentiel du secteur dans lequel le groupe évolue. Dans tous les cas, cette valorisation à 1$ correspond au prix de la dernière levée de fonds de 40 millions de dollars menée par Meten, qui a ainsi dilué les actionnaires existants.

Reste désormais à voir si les EdTech chinoises cotées aux Etats-Unis parviennent à relever la tête. L’introduction en bourse de Zhangmen au New York Stock Exchange dans les prochaines semaines permettra probablement de se faire une idée.

Total
0
Shares
Laisser un commentaire
Related Posts